CAMILLE GOUTAL
" Mes odeurs préférées sont celles du pain grillé le dimanche matin..."
Photographe de déco et de studio avant même d’être parfumeur, Camille Goutal « use de tous ses sens à la fois ». Elle a appris le métier de nez aux côtés d’Isabelle Doyen, en commençant par peser ses formules dans leur laboratoire commun. « Très visuelle dans sa façon de créer », elle a piloté la direction artistique de Voyages Imaginaires. Toutes les photographies sont les siennes. Elle est l’auteure de nombreux parfums pour la maison Goutal aux côtés d’Isabelle, dont Songes, Mon Parfum Chéri et l’Ambre Fétiche qui lui tiennent particulièrement à cœur.
son
« Le bruit de la pluie, si réconfortant, écouté quand on est chez soi, bien au chaud avec un bouquin sous la couette. Il m’emporte dans une odeur de bitume et d’orage chargé des senteurs de la terre des parcs parisiens. Côté musique, ce serait Cigarettes & Loneliness de Chet Faker, si hypnotique qu’elle me recentre, vide ma tête et participe à ma concentration juste avant de peser mes formules.
intime
« Sentir l’ylang m’évoque la liberté, fondamentale pour moi. Mon premier souvenir remonte à l’âge de mes 3 ans, naissance de mon obsession pour les voyages en feuilletant un Geo de mon père sur la Polynésie. J’avais tant rêvé ces odeurs de tiaré et de frangipanier que je les ai littéralement reconnues en les sentant en vrai, à la trentaine. C’était fou. J’avais l’impression d’être au bon endroit sur la planète. J’ai un rapport au temps un peu complexe, je peux le regarder s’étirer pendant des heures, des jours, des semaines parfois ou au contraire être prise d’une effervescence qui me donne des ailes pour découvrir inlassablement de nouvelles choses et explorer de nouveaux horizons... »
LITTÉRATURE
« Si les textes de Proust et Baudelaire sont très descriptifs en matière d’odeurs, J.K. Rowling dépeint si bien les vieux grimoires, le château et la forêt dans sa série des Harry Potter qu’il me semble tout sentir entre les lignes. C’est d’ailleurs cette saga qui a inspiré à Isabelle le parfum Mandragore de Goutal »
destination
« Ce serait Londres, ma deuxième maison, et spécialement les quais de la Tamise. Entre buildings modernes, no man’s land et mouettes, j’adore cette atmosphère de docks un peu mystérieuse qui sent la mer ».
IDOLES
« Je dédierais bien un parfum à Joey Starr, magnétique, sauvage et indomptable qui m’évoquera toujours la folie géniale et l’ébullition du milieu hip hop dans lequel j’ai passé mon adolescence. Au lieu de lui composer quelque chose de trop évident et animal, je lui proposerais un grand classique de la parfumerie à la Eau sauvage de Dior. Fanny Ardant aussi est inspirante, pour les mêmes raisons au féminin. Elle est incroyablement mystérieuse et raffinée, d’une classe rare. Comme elle aime les orientaux, je lui proposerais un ambre ou un fumé épicé. »
mythes de la parfumerie
« J’en citerais trois. Mitsouko de Guerlain, fascinant monument d’abstraction. Eau Sauvage de Dior, tellement beau. Il n’a pas pris une ride et reste magnifique, même sur un jeune mec de quinze ans. Nuit de Bakélite de Naomi Goodsir enfin, un cuir fumé tubéreuse composé par Isabelle qui concilie élégance et forte personnalité. Il envoie du lourd. »
rituel de création
« Je trouve l’inspiration en marchant seule dans les villes ou en regardant des heures durant à travers le hublot dans l’avion. Même si bien des idées me semblent insensées à l’atterrissage… ».
odeurs sentimentales
« La joie ? Quand je mets le nez dans les crins de ma jument à l’île de Ré. C’est tendre, doux, chaud, je me sens libre et j’oublie tout. L’amour ? L’odeur de mon appartement à Paris. Indescriptible, elle mêle celles des chats, de nos filles, des bougies éteintes, des essais de parfums, des fleurs et des plantes. »
SILLAGES PRÉFÉRÉS
« Parmi les Voyages Imaginaires, je porte surtout Azahar - je suis dingue du néroli, peut-être en partie parce que mon oncle m’en rapportait de Tunisie - et La Couleur de la Nuit. Il me touche beaucoup sans pouvoir expliquer pourquoi. »
EMOTION
« Mes odeurs préférées sont celles du pain grillé le dimanche matin, de la peau de mes filles quand je les embrasse sur les joues, et de la maison de mon grand-père à Aix, où je passais mes vacances d’été enfant avec une quinzaine de cousins, entre effluves de romarin et de pierres poussiéreuses chauffées au soleil. Je suis aussi dingue des odeurs d’éther et d’essence qui sont totalement indescriptibles mais m’évoquent un monde parallèle et paradoxal à la fois sombre et iridescent. »